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« Au lieu de fédérer les carrières, nous préférons fédérer le peuple »

Afin de placer l’écologie au cœur du débat, nous avons posé les mêmes questions à différents candidat-e-s pour les élections européennes. Rhany Slimane, investi sous la bannière de la France insoumise, a accepté d’y répondre.


Ecoh – Bonjour, vous êtes candidat sur la liste de la France insoumise pour les élections européennes, pouvez-vous nous résumer votre parcours ?

Rhany Slimane – J’ai 34 ans et je suis originaire de Montpellier. J’ai un parcours semblable à beaucoup de personnes qui, comme moi, sont issues des classes populaires. Études courtes, orienté vers des filières pro en alternance dans le tertiaire alors que j’aspirais à autre chose… J’ai connu les jobs précaires dans le domaine de la vente et des tentatives entrepreneuriales mais ça ne m’a pas empêché de reprendre une licence en psychologie à l’âge de 25 ans.

Sur le plan politique, encore fidèle à mon milieu, je fus un abstentionniste résolu et loin de tout en engagement politique (mais pas sans avis politique) jusqu’à la campagne de Jean-Luc Mélenchon de 2017 que je perçsu comme une opportunité réelle de changement avec un programme de rupture solide guidé par le bon sens.

J’ai utilisé mes compétences dans l’auto organisation issue de la pensée et la pratique du sociologue Saul Alinksy dans le cadre de mes activités militantes. Je m’implique particulièrement dans le mal logement et la précarité énergétique. J’ai d’ailleurs fait de cette activité mon métier.

Je suis actuellement candidat aux élections européennes pour la liste « Maintenant le Peuple ! » de la France insoumise.

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager ?

L’urgence sociale dans laquelle les classes populaires se trouvent et le manque de répartition de richesse ne sont plus acceptables. Nous nous sommes habitués de vivre de rien dans des conditions de plus en plus difficiles. J’ai été sensibilisé aux thèses sur l’effondrement qui ont confirmé mon engagement.

L’émergence d’une force politique prenant ses distances avec la gauche traditionnelle et se tournant vers le peuple avec un discours clair et une stratégie performante m’ont convaincu de sortir de mon abstention et de soutenir la France insoumise. J’ai contribué en particulier au mouvement en aidant au développement des techniques d’auto organisation, dites « methode Alinsky », permettant de créer des dynamiques populaires autour de thématiques qui impactent les gens et, à la clé, de vraies victoires.

En matière d’environnement, quelles mesures de votre programme vous tiennent particulièrement à cœur ?

Pour nous prémunir du risque d’effondrement systémique qui nous guette. Rien ne se fera sans une véritable coopération entre les individus et avec les méthodes d’auto organisation. C’est ce que j’essaie, humblement , de propager partout où je le peux.

Néanmoins, il n’y aura pas de changement de paradigme sans un véritable effort de guerre qui suppose un investissement massif des pouvoirs publics pour transformer notre appareil de production. Sans argent, rien ne sera possible. En l’état actuel des choses, la règle inique et irrationnelle de 3% sur le déficit budgétaire empêche toute possibilité allant dans ce sens.

Désobéir à ces traités est pour moi une des mesures les plus importantes et plus efficientes au point de vue écologique.

Quand je vois la précarité énergétique dans laquelle beaucoup de gens vivent, en particulier dans les grands ensembles où je vis, je me dis qu’il est urgent de rénover le parc immobilier. En effet, il responsable d’une partie non-négligeable des émissions de gaz à effet de serre, en plus d’être un gouffre social. Les ménages les plus pauvres dépensent pour l’énergie 2,5 fois plus que les 20% les plus riches.

Quel est votre avis sur les marches pour le climat qui s’organisent en France et un peu partout dans le monde ?

Je participe aux marches pour le climat et ai déjà participé à la co-organisation de l’une d’entre elles avec le collectif #NousSommes auquel j’appartiens, dans ma ville de Montpellier. Ces marches sont importantes pour la visibilité de la problématique du changement climatique. Malheureusement, comme beaucoup, je pense que cela ne suffit pas et qu’on ne peut pas s’en satisfaire. De plus, elles n’attirent pas des pans entiers de la population qui sont en attente de solution concrètes dans leur vie, souvent très difficiles. Les gilets jaunes en sont le meilleur exemple.

Nous devons partir de la colère des gens et leur montrer que via la transition écologique, nous pouvons résoudre un grand nombre de leurs tracas quotidiens.

Si nous désobéissons à certains traités, les pouvoirs publics pourraient subventionner les exploitations agricoles de proximité et permettre aux plus démunis d’accéder à une nourriture de qualité. Ceci est un exemple de l’écologie populaire à laquelle j’aspire.
Il existe encore des des militants écologistes qui restent dans un entre soi contre-productif. Il faut absolument qu’ils en sortent et s’intéressent à cette partie de la population qu’ils ignorent et parfois même méprisent.

Combien de quolibets ai-je entendu, au début du mouvement des gilets jaunes, de la part de certains membres du mouvement alternatif ou du parti dit « écologiste ».

Ce mépris de classe doit cesser, d’autant plus quand on professe l’entraide et le commun.

Selon vous, comment lier la justice sociale et l’urgence climatique ?

Comme je le disais, il faut partir des colères et des préoccupations des classes populaires en essayant de trouver des solutions ayant pour axe la transition écologique.

On ne fera pas de miracle en imposant par le haut des solutions choisies par des « sachant » aussi bien intentionnés qu’ils soient.

Pour cela, nous devons nous en donner les moyens et tous ceux qui disent qu’une transition est possible dans le cadre européen actuel sont des menteurs au vu des sommes à mobiliser.

Les acteurs politiques qui professent le contraire tout en se réclamant de l’écologie auront une dette morale sur leurs épaules. Le temps n’est plus à la tiédeur au niveau des décisions politiques à prendre.

Il est temps aussi d’arrêter d’infantiliser les classes populaires en expliquant qu’on sauvera notre civilisation en fermant le robinet quand on se brosse les dents. Bien évidemment qu’il faut changer notre façon de consommer. Mais dans le cadre du libre marché, si cher au cœur de Yannick Jadot, cela est impossible. Il faut s’attaquer en premier à la production et non à la consommation pour avoir des résultats probants. En changeant le mode de production, vous changez aussi le mode de consommation. On le ressent, les gens veulent une société moins prédatrice pour la Nature. Mais pour qu’ils puissent changer leurs habitudes de vie, il ne faut pas aller sur la voie de l’écologie punitive.

Comment vous positionnez-vous face à la liste du PCF, d’EELV et de Génération-s, pourquoi tant de divisions ?

Division ? cela voudrait dire que nous sommes compatibles. Hors sur cette question de la stratégie en matière d’écologie nous ne le sommes pas.

Le PCF est contre la sortie du nucléaire, EELV est favorable au carcan européen actuel et au libre marché, à tel point qu’un « écolo » sur deux a fini chez La République en Marche et Génération.s. Ils sont contre la désobéissance aux traités, chose qu’ils partagent avec les autres partis.

Ce sont les conditions majeures pour la faisabilité d’un plan de transition écologique dont nous avons tant besoin. Nous ne sommes pas divisés, nous sommes clairs sur nos positions.

De plus, la liste de la FI rassemble des profils venu de l’aile gauche du PS, de EELV, des communistes et une majorité de gens comme moi sans appartenance politique. Il n y a pas une liste plus rassembleuse que la notre.

Les gens que vous avez cités jouent la survie de leur boutique et de leur carrière. Nous, nous sommes concentrés sur l’évitement de la sixième extinction de masse des espèces… Alors comme vous dire ?

Au lieu de perdre notre temps à fédérer les carrières, nous préférons fédérer le peuple.

Ecoh – propos recueillis par la rédaction

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