AccueilTribune libreComment les mouvements sociaux s’organisent à l’ère du numérique ?

Comment les mouvements sociaux s’organisent à l’ère du numérique ?

Depuis le Printemps arabe, fortement marqué par l’utilisation massive des réseaux sociaux par les révolutionnaires afin de s’organiser et de faire circuler des informations, les mouvements sociaux recourent de plus en plus aux nouvelles technologies pour les assister dans leur lutte. C’est notamment le cas à Hong Kong, où les activistes luttant pour maintenir l’indépendance de la région vis-à-vis de la République Populaire de Chine en utilisant des moyens toujours plus innovants pour contrer la répression et protéger la sécurité de leurs informations personnelles. Faisons un tour d’horizon de certains outils utilisés par ceux-ci qui méritent d’être connus.

Réseau social décentralisé : Diaspora*

Bien que Facebook fût particulièrement employé par les mouvements sociaux en Egypte lors des manifestations contre le régime autoritaire de Hosni Moubarak, le réseau social mondialement connu attire de moins en moins la confiance des activistes, principalement depuis l’éclatement du scandale autour de l’affaire de Cambridge Analytica, où une entreprise privée a pu avoir accès aux données personnelles de milliers d’utilisateurs. Dans ce contexte, il était facile d’imaginer qu’une alternative plus respectueuse de la vie privée de ses utilisateurs allait voir le jour. Comme par exemple Diaspora*, un réseau social complètement décentralisé, qui permet de créer des sous-réseaux spécialisés sur un thème ou pour une cause, tout en protégeant les informations personnelles des membres du service.

Messagerie sécurisée : Signal / Telegram

Pour les raisons évoquées ci-dessus, il est logique que de nombreux activistes voient d’un mauvais œil l’utilisation de Messenger ou de WhatsApp pour partager des informations sensibles, ces deux applications appartenant également à Facebook. Pourtant les deux services proposent la possibilité de sécuriser ses échanges grâce à un système de chiffrement de bout en bout. Heureusement, il existe également des alternatives indépendantes des GAFAM, comme Telegram, tristement célèbre pour être utilisé par des groupes terroristes, mais également par certains diplomates français. Signal quant à lui est une autre option de messagerie sécurisée à envisager, qui est d’ailleurs populaire parmi les militants des mouvements sociaux ayant actuellement lieu à Hong Kong.

Protection de la vie privée : Un VPN

Que ce soit pour éviter de se faire espionner par le gouvernement, ou tout simplement pour se protéger des tentatives d’intrusion par des individus malintentionnés sur leurs appareils, les militants des mouvements sociaux utilisent souvent un VPN sur PC pour masquer leurs activités en ligne. On peut par exemple citer ExpressVPN, particulièrement populaire à Hong à Hong-King, qui permet de contourner la censure mise en place et d’assurer au maximum l’anonymat des contestataires lorsqu’ils naviguent sur le web.

Pour faire simple, un VPN permet de contourner la censure mise en place et d’assurer au maximum l’anonymat des contestataires lorsqu’ils naviguent sur le web. Pour faire simple, cela permet de créer une connexion entre votre machine et un serveur sécurisé situé le plus souvent à l’étranger. Dès lors, c’est le serveur auquel vous êtes connecté qui se charge d’effectuer les requêtes auprès des différents services en ligne que vous utilisez, ce qui permet de remplacer votre adresse IP par celle du serveur VPN depuis lequel vous accédez à internet. Il y a plusieurs avantages à utiliser un VPN dans un contexte de mouvement social, puisqu’il permet d’accéder à du contenu normalement censuré localement (comme Wikipédia en Turquie, accessible uniquement via des proxys ou un VPN) mais aussi pour chiffrer les données qui transitent par la machine de l’utilisateur. C’est une excellente protection contre les tentatives d’intrusion du type attaque de « L’Homme du Milieu » (Man-in-the-middle), qui ont fréquemment lieu lorsqu’on utilise un réseau Wifi potentiellement partagé avec des inconnus (même si celui-ci est sécurisé par mot de passe).

Système d’Exploitation : Linux

Que vous soyez un utilisateur de Microsoft ou d’Apple, il est important de garder en tête que ces deux entreprises peuvent avoir accès à un nombre effrayant d’informations sur vous. Que cela soit votre position géographique, vos goûts ou vos horaires, il est très facile pour ces deux constructeurs de connaître ces informations puisque le système d’exploitation que vous utilisez les transmet à ceux-ci. C’est pour cette raison que de nombreux activistes se sont tournés vers des systèmes fonctionnant sous Linux, mais également pour des raisons éthiques, l’Open Source étant le plus souvent une valeur partagée par les militants des mouvements sociaux. Et concernant les options à disposition des activistes, la liste est longue. On peut ainsi nommer en vrac des distributions Linux spécialisées dans la protection de la vie privée, comme Whonix ou encore Tails, mais également d’autres systèmes d’exploitation plus orientés vers le Pentesting (tests d’intrusion) qui permettent de vérifier la sécurité de votre système informatique (ou potentiellement d’en pirater un autre) comme Kali Linux. Cette distribution est d’ailleurs devenue particulièrement appréciée du grand public des suites du succès de la série Mr. Robot.

Réseaux de communication alternatifs et systèmes d’échange de fichiers: Bridgefy / AirDrop / PirateBox

Pour partager des fichiers et des informations de manière sécurisée, les militants des mouvements sociaux utilisent des techniques alternatives pour mettre à disposition du plus grand nombre du contenu partageable de manière anonyme. C’est le principe d’une PirateBox, un appareil qui émet un signal Wifi auquel des utilisateurs peuvent se connecter afin de venir déposer et télécharger des fichiers mis à disposition par des tiers. Pour les utilisateurs d’appareils iOS, il existe une fonctionnalité similaire appelée AirDrop. Enfin, les manifestants à Hong Kong utilisent l’application Bridgefy, qui permet de créer un réseau entre appareils via Bluetooth. De cette manière, les activistes peuvent communiquer et échanger des informations sur un réseau parallèle et privé, et ce sans avoir à utiliser le réseau GSM.

On le constate partout dans le monde, que ce soit au Liban, au Chili, à Hong Kong ou même en France avec le mouvement des Gilets jaunes, l’utilisation des nouvelles technologies par les participants aux mouvements sociaux va grandissante. On peut donc aisément en déduire que cette tendance va continuer au fil des prochaines années. Que ce soit par le biais de nouveaux médias, comme PeerTube, une plateforme décentralisée spécialisée dans le partage de vidéos, ou par l’arrivée de nouvelles technologies, force est de constater que les prochaines révolutions seront autant sur le web que dans les rues.


Adel Soudan

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