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Entretien avec Michel Ucciani, ancien braqueur et ex-combattant du FLNC

Ancien militant du Front de libération nationale de la Corse (FLNC), et ex-braqueur de banque, Michel Ucciani raconte son histoire dans « Natio, du FLNC au grand banditisme”, un livre témoignage écrit pendant sa dernière incarcération.

« Je ne regrette rien. C’était un choix de vie, je n’ai aucun regret », dès le début de notre entretien, l’auteur annonce la couleur.

Entre attentats, trafics de drogue, et braquages de banques,  Michel Ucciani a eu une vie bien remplie. Il a également fait de la prison pour avoir volé trois tableaux de Picasso… Rien que ça ! On est allé discuter avec lui. Interview.

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?

Michel Ucciani : Disons que j’avais pas mal de choses à raconter vu mon parcours. J’avais envie de parler de tout ce que j’ai vécu. Certains de mes amis ont eux aussi écrit des livres, je me suis dit pourquoi pas moi.

Je l’ai écrit pendant ma dernière incarcération entre 2015 et 2018, d’abord sûr des cahiers avant de bénéficier d’un ordinateur à la prison de Montpellier.

 © Bertini/ La Manufacture de Livres

Vous avez commencé les braquages par besoin ?

Non, pas vraiment. Quand j’ai commis mes deux premiers braquages, j’étais dans l’armée, je ne manquais pas d’argent. 
À 18 ans j’ai lu L’instinct de mort de Jacques Mesrine, ça m’a passionné. J’ai commis mes premiers braquages l’année d’après. Le banditisme, je sentais que c’était mon truc !

Vous précisez avoir beaucoup volé sans rien économiser, vous faisiez quoi de tout cet argent ?

J’ai amassé beaucoup d’argent sans rien économiser, c’est un de mes seuls regrets. J’étais souvent en cavale, ça partait assez vite. Après je sortais souvent, c’était la fiesta tous les soirs. Vite gagné, vite dépensé comme on dit.


« Début 1990, j’ai fait sur Marseille ce que je n’aurais jamais dû faire, un braquage de tableaux. Je ne le savais pas encore mais les oeuvres d’art n’amènent que des emmerdes. Bon, quand on te dit que tu as la possibilité de voler trois Picasso, tu n’hésites pas trop, tu te vois faire une affaire en or mais, au final, ça ne t’amène que de la merde. » – EXTRAIT


Vous avez volé des tableaux de Picasso dans un musée, comment vous vous y êtes pris ?

J’ai eu une information comme quoi des tableaux de Picasso seraient exposés quelques jours à Marseille au musée de la charité.

J’y suis allé pour étudier le coup et j’ai trouvé la faille. J’ai volé les tableaux le jour où ils démontaient l’exposition et où les pièces descendaient dans la réserve pour être réexpédiées vers leur musée d’origine.

Ce sont ces tableaux qui m’ont conduit à mon arrestation,je suis tombé dans un milieu infiltré par la police et les indics.


 « On s’est régalé à Paris, souvent on arrivait le mercredi, on repérait trois ou quatre banques, puis on en tapait une le jeudi, une le vendredi matin et une autre l’après midi. »  – EXTRAIT


Il vous arrivait de braquer 3 banques en deux jours, les banques n’étaient pas plus surveillées que cela à l’époque ?

C’était beaucoup plus facile avant, de plus à Paris on travaillait à pied, on regardait juste si la banque était proche d’une station de métro et si elle avait des distributeurs.

Ce n’est plus possible aujourd’hui, maintenant il n’y a plus d’argent dans les banques et elles sont beaucoup plus surveillées.

Vous avez toujours essayé de braquer sans violence ?

Toujours, on ne part pas pour être violent, mais pour récolter de l’argent. On ne braquait pas avec des cagoules, mais en costume. On essayait d’être le plus discret possible, on pouvait braquer une banque pendant trois quarts d’heure sans même que les clients ne s’en aperçoivent.

Bien sûr, parfois on était obligé d’ouvrir notre veste pour montrer nos armes, mais sur la centaine de casses auxquelles j’ai participé, aucun ne s’est mal passé.


Un jour un directeur de banque nous a dit : « J’étais content que ce soit vous quand je vous ai vus entrer dans ma banque … Il y a trois semaines, nous avons eu une réunion inter-banques avec les services de police concernant les hold-up dans la capitale, on a votre signalement, votre mode opératoire, on sait qu’avec vous, ça se passe toujours bien, que vous êtes tranquilles, que vous ne frappez jamais personne. Grâce à ce signalement, je vous ai reconnus au premier coup d’oeil, donc j’étais content que ce soit vous qui braquiez ma banque plutôt que ce soit des excités. » – EXTRAIT


Revenons sur votre parcours de combattant au FLNC, vous êtes né en région parisienne, qu’est-ce qui vous a fait basculer dans le nationalisme corse ?

Je suis né à Paris, mais mes grands-parents étaient corses, je m’y suis installé dès mes 16 ans.

J’ai rencontré et sympathisé avec trois jeunes nationalistes en prison pendant ma première incarcération à 18 ans, c’est comme ça que j’ai enquillé avec le FLNC. Par affinité et relation.

C’était quoi le but du FLNC ?

On demandait l’indépendance de la Corse, au bout de quelques années ça a débouché sur la création de l’assemblée.

Vous indiquez ne pas vous souvenir de votre premier attentat, il y en a eu beaucoup ?

J’ai participé à tellement d’attentats que je ne me souviens ni du premier ni du nombre. Je sais juste qu’en 1982, avec ma petite équipe d’Ajaccio on a commis pas moins de 70 attentats.

Toujours sans violence ?

Les attentats étaient symboliques, on s’assurait toujours que les lieux étaient vides. On visait des biens matériels qui représentaient l’État, jamais les gens.

Les Corses étaient nombreux à vous soutenir ?

Très nombreux, je pense qu’ils étaient majoritaires, il y avait même des Corses non-nationalistes qui nous hébergeaient quand on était en cavale.

Pourquoi avoir quitté le FLNC ?

J’ai quitté le FLNC en 1989 quand les membres du front ont commencé à se faire la guerre entre eux. Il y a eu des morts des deux côtés, ça prenait une tournure qui ne me plaisait pas.

Le FLNC s’est divisé en deux, puis en trois. Moi je suis parti avant la scission et je suis resté en bon terme avec les militants des différentes tendances.

Quel est votre regard sur la politique aujourd’hui ?

Je suis content du bon score des nationalistes en Corse. Le problème c’est  qu’ils ont beau être élus, ils n’ont en réalité aucun pouvoir. Ils sont toujours obligés de se référer à Paris.

Je pense aujourd’hui que le changement par les armes ne se fera pas, il devra donc se faire par les urnes. 

Vous avez une bonne relation avec votre fille et vos petits enfants ? Ils pensent quoi de votre parcours ?

Ils sont au courant de mon passé, ils ont tous lu le livre. Ainsi, ils savent pourquoi je n’étais pas présent toutes ces années.

Après 20 ans derrière les barreaux, que pensez-vous de votre parcours ?

Je ne regrette rien, ni de mes attentats avec le FLNC ni de mes braquages. C’était un choix de vie, je n’ai aucun regret. Si cela était à refaire, je le referais … en essayant de moins me faire arrêter bien sûr.


Pour acheter son livre : Natio, du FLNC au grand banditisme

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