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L’Afrique interpelle son voisin européen sur les conséquences de ses politiques « environnementales »

Lettre ouverte d’un militant écologiste africain

Le naufrage du Grande America, dans la nuit du 10 au 11 mars 2019 (Golfe de Gascogne), cargo porte-conteneurs-roulier italien appartenant à la compagnie Grimaldi Lines, a mis en lumière les dessous du laver plus propre européen : le continent africain est littéralement la poubelle des sociétés consuméristes du Nord qui se donnent bonne conscience à coups de slogans publicitaires aussi emphatiques que vides de sens : Sauvons le climat ! Sauvons la biodiversité ! Sauvons les fauteuils d’élus sur lesquels nous sommes confortablement assis… Et advienne que pourra quelle que soit l’issue, les vies humaines sacrifiées, les terres massacrées.

Les collectifs africains Ensemble pour le climat et Citoyens pour le climat Afrique ainsi que l’association Robin des Bois et l’ONG franco-espagnole Sibylline Océans ont donc envoyé un courrier au Président de la République français ainsi qu’au Président de la Commission européenne et au Directeur Général de l’Environnement de la CEE. Le courrier rappelle les catastrophes sanitaires et environnementales générées par l’exportation de millions de tonnes de produits tous plus toxiques les uns que les autres : DEEE (déchets d’équipements électriques et électroniques), véhicules mis au rebut, tonnes de plastique et autres déchets non recyclables. Et de rappeler l’épisode du cargo de la honte avec le Probo Koala (déversement de 581 tonnes de déchets toxiques en Côte d’Ivoire dix ans plus tôt), de mettre l’accent sur l’extraction des terres rares, du coltan, du cobalt, d’une société européenne toujours plus avide de matières premières ; de s’interroger sur la qualité des poumons des citoyens européens qui seraient plus fragiles que ceux des africains (export de véhicules considérés polluants en Europe et vendus aux Africains en seconde main).

Les auteurs du courrier exhortent donc de cesser, dans l’urgence, le déversement, en toute impunité, de millions de tonnes de déchets européens sur le continent africain, n’étant pas les éboueurs de l’Europe, avec demande du respect de la politique du pollueur-payeur, chère à la CEE, et non plus du pollué-payeur. Ils s’étonnent également des conclusions positives de l’épisode du Grande America tandis que ce dernier continuera, insidieusement, de contaminer la chaîne trophique en toute impunité et sachant qu’un nouveau navire de la compagnie a dû faire face, le 15 mai dernier, à deux incendies successifs. Afrique et océan semblent inlassablement soumis au même dicton : loin des yeux, loin du cœur !

 


Bamako, le 23 mai 2019

Messieurs les Présidents, Monsieur le Directeur Général,

C’est avec tristesse que nous avons appris le naufrage du Grande America dans vos eaux Atlantique du Golfe de Gascogne. Tous les signataires sont par ailleurs étonnés, 10 semaines après le naufrage, des conclusions tirées par la presse et les pouvoirs publics selon lesquels ce naufrage n’a pas entraîné de marée noire. Le fioul et les autres carburants échappés de l’épave et de sa cargaison ne sont certes pas arrivés sur le littoral pour le moment, mais ils continuent à marauder dans le golfe et à polluer toutes les chaînes alimentaires
marines.

A la tristesse se mêle, dans le même temps, un sentiment de soulagement car ce bateau des poubelles européennes nous était destiné, à nous africains, méprisés depuis si longtemps.

Si l’Europe nous a redonné notre liberté d’exister en tant qu’être humain indépendant, elle continue de nous voir comme ses esclaves, sans respect pour nos vies et notre environnement.

Savez-vous que nous payons le prix fort de votre transition écologique ? Savez-vous que les batteries électriques qui équipent les véhicules que vous dites écologiques tuent nos enfants dans les mines de cobalt, coltan et terres rares ? Savez-vous que les véhicules (voitures, cars, etc…) que vous jugez dangereux pour votre air ou pour votre sécurité nous arrivent ici comme propres à être utilisés ? Notre air serait-il capable de mieux purifier la pollution de vos véhicules diesel et essence que le vôtre ? L’état des véhicules qui ne passent
pas le contrôle technique chez vous, pour que vos industriels de l’automobile puissent toujours vendre davantage, s’améliorerait-il après avoir traversé les océans ? Ou bien nos vies ne valent-elles si peu que ces véhicules feront bien l’affaire pour nous ?

Des rivières entières sont polluées par les métaux lourds et autres poisons, les nappes phréatiques atteintes, les enfants intoxiqués par les fumées dégagées par les feux de plastiques en tous genres, souffrant de maladies de la peau, des bronches et des poumons…

En 2016, la Haute Cour de Justice de Londres ordonnait l’indemnisation de toutes les victimes du cargo de la honte : le Probo Koala (déversement de 581 tonnes de déchets toxiques en Côte d’Ivoire dix ans plus tôt).

Les Africains ne veulent pas d’indemnisations, qui ne ramèneront pas leurs chers disparus et qui n’allongera pas la durée de vie de ceux qui sont intoxiqués par les métaux lourds et autres joyeusetés. Ils veulent être considérés. Pour cela, ils vous demandent de respecter l’accord de Bâle, dont l’Union européenne est signataire, qui interdit l’exportation des déchets électroniques depuis 1989, que vos gouvernements font
faussement passer pour des dons. Ils vous demandent également de respecter le traité de Bamako.

Votre surconsommation est notre linceul. L’Union européenne ne traite que 25 % de ses DEEE (déchets d’équipements électriques et électroniques). Concernant vos véhicules électri

Lettre ouverte d’un militant écologiste Africain

Le naufrage du Grande America, dans la nuit du 10 au 11 mars 2019 (Golfe de Gascogne), cargo porte-conteneurs-roulier italien appartenant à la compagnie Grimaldi Lines, a mis en lumière les dessous du laver plus propre européen : le continent africain est littéralement la poubelle des sociétés consuméristes du nord qui se donnent bonne conscience à coups de slogans publicitaires aussi emphatiques que vides de sens : Sauvons le climat ! Sauvons la biodiversité ! Sauvons les fauteuils d’élus sur lesquels nous sommes confortablement assis… Et advienne que pourra quelle que soit l’issue, les vies humaines sacrifiées, les terres massacrées.

Les collectifs africains Ensemble pour le climat et Citoyens pour le climat Afrique ainsi que l’association Robin des Bois et l’ONG franco-espagnole Sibylline Océans ont donc envoyé un courrier au Président de la République français ainsi qu’au Président de la Commission européenne et au Directeur Général de l’Environnement de la CEE. Le courrier rappelle les catastrophes sanitaires et environnementales générées par l’exportation de millions de tonnes de produits tous plus toxiques les uns que les autres : DEEE (déchets d’équipements électriques et électroniques), véhicules mis au rebut, tonnes de plastique et autres déchets non recyclables. Et de rappeler l’épisode du cargo de la honte avec le Probo Koala (déversement de 581 tonnes de déchets toxiques en Côte d’Ivoire dix ans plus tôt), de mettre l’accent sur l’extraction des terres rares, du coltan, du cobalt, d’une société européenne toujours plus avide de matières premières ; de s’interroger sur la qualité des poumons des citoyens européens qui seraient plus fragiles que ceux des africains (export de véhicules considérés polluants en Europe et vendus aux africains en seconde main).

Les auteurs du courrier exhortent donc de cesser, dans l’urgence, le déversement, en toute impunité, de millions de tonnes de déchets européens sur le continent africain, n’étant pas les éboueurs de l’Europe, avec demande du respect de la politique du pollueur-payeur, chère à la CEE, et non plus du pollué-payeur. Ils s’étonnent également des conclusions positives de l’épisode du Grande America tandis que ce dernier continuera, insidieusement, de contaminer la chaîne trophique en toute impunité et sachant qu’un nouveau navire de la compagnie a dû faire face, le 15 Mai dernier, à deux incendies successifs. Afrique et océan semblent inlassablement soumis au même dicton : loin des yeux, loin du cœur !

 


Bamako, le 23 Mai 2019

Messieurs les Présidents, Monsieur le Directeur Général,

C’est avec tristesse que nous avons appris le naufrage du Grande America dans vos eaux Atlantique du Golfe de Gascogne. Tous les signataires sont par ailleurs étonnés, 10 semaines après le naufrage, des conclusions tirées par la presse et les pouvoirs publics selon lesquels ce naufrage n’a pas entraîné de marée noire. Le fioul et les autres carburants échappés de l’épave et de sa cargaison ne sont certes pas arrivés sur le littoral pour le moment mais ils continuent à marauder dans le golfe et à polluer toutes les chaînes alimentaires
marines.

A la tristesse se mêle, dans le même temps, un sentiment de soulagement car ce bateau des poubelles européennes nous était destiné, à nous africains, méprisés depuis si longtemps.

Si l’Europe nous a redonné notre liberté d’exister en tant qu’être humain indépendant, elle continue de nous voir comme ses esclaves, sans respect pour nos vies et notre environnement.

Savez-vous que nous payons le prix fort de votre transition écologique ? Savez-vous que les batteries électriques qui équipent les véhicules que vous dites écologiques tuent nos enfants dans les mines de cobalt, coltan et terres rares ? Savez-vous que les véhicules (voitures, cars, etc…) que vous jugez dangereux pour votre air ou pour votre sécurité nous arrivent ici comme propres à être utilisés ? Notre air serait-il capable de mieux purifier la pollution de vos véhicules diesel et essence que le vôtre ? L’état des véhicules qui ne passent
pas le contrôle technique chez vous, pour que vos industriels de l’automobile puissent toujours vendre davantage, s’améliorerait-il après avoir traversé les océans ? Ou bien nos vies ne valent-elles si peu que ces véhicules feront bien l’affaire pour nous ?

Des rivières entières sont polluées par les métaux lourds et autres poisons, les nappes phréatiques atteintes, les enfants intoxiqués par les fumées dégagées par les feux de plastiques en tous genres, souffrant de maladies de la peau, des bronches et des poumons…

En 2016, la Haute Cour de Justice de Londres ordonnait l’indemnisation de toutes les victimes du cargo de la honte : le Probo Koala (déversement de 581 tonnes de déchets toxiques en Côte d’Ivoire dix ans plus tôt).

Les Africains ne veulent pas d’indemnisations, qui ne ramèneront pas leurs chers disparus et qui n’allongera pas la durée de vie de ceux qui sont intoxiqués par les métaux lourds et autres joyeusetés. Ils veulent être considérés. Pour cela, ils vous demandent de respecter l’accord de Bâle, dont l’Union européenne est signataire, qui interdit l’exportation des déchets électroniques depuis 1989, que vos gouvernements font
faussement passer pour des dons. Ils vous demandent également de respecter le traité de Bamako.

Votre surconsommation est notre linceul. L’Union européenne ne traite que 25 % de ses DEEE (déchets d’équipements électriques et électroniques). Concernant vos véhicules électriques, non contents de faire travailler les enfants africains, vous vous tournez désormais vers l’exploitation des fonds océaniques (terres rares). La Papouasie Nouvelle Guinée s’arqueboute pour éviter le pillage de ses richesses. Quelles seront les conséquences de ces extractions sur l’environnement marin ? Quelles seront les conséquences pour les travailleurs artisans de la mer ? Sans doute ces questions ne vous intéressent-elles pas… Vos CNRS et
IFREMER parlent d’une adaptation des écosystèmes à cette exploitation mais ce n’est pas à la Nature de s’adapter à l’homme. C’est à l’homme de s’adapter à la Nature s’il veut continuer de pouvoir vivre en son sein.

Vous nous imposez d’être les éboueurs de l’Occident parce que nos richesses ne nous permettent pas de vivre dignement, exploitées par vos industriels. Nous devons nous contenter des miettes. Les Africains ne sont pas dupes et cet humanisme occidental est inacceptable.

Votre avidité consumériste effrénée va certes vous détruire mais en attendant, c’est nous qu’elle atteint et nous vous saurions gré, de toute urgence, de ne plus déverser vos millions de tonnes de déchets sur notre continent.

Vous remerciant par avance pour votre compréhension, recevez, Messieurs les Présidents, Monsieur le Directeur Général, l’expression de nos salutations respectueuses.

ques, non contents de faire travailler les enfants africains, vous vous tournez désormais vers l’exploitation des fonds océaniques (terres rares). La Papouasie Nouvelle Guinée s’arc-boute pour éviter le pillage de ses richesses. Quelles seront les conséquences de ces extractions sur l’environnement marin ? Quelles seront les conséquences pour les travailleurs artisans de la mer ? Sans doute ces questions ne vous intéressent-elles pas… Vos CNRS et
IFREMER parlent d’une adaptation des écosystèmes à cette exploitation, mais ce n’est pas à la Nature de s’adapter à l’homme. C’est à l’homme de s’adapter à la Nature s’il veut continuer de pouvoir vivre en son sein.

Vous nous imposez d’être les éboueurs de l’Occident parce que nos richesses ne nous permettent pas de vivre dignement, exploitées par vos industriels. Nous devons nous contenter des miettes. Les Africains ne sont pas dupes et cet humanisme occidental est inacceptable.

Votre avidité consumériste effrénée va certes vous détruire, mais en attendant, c’est nous qu’elle atteint et nous vous saurions gré, de toute urgence, de ne plus déverser vos millions de tonnes de déchets sur notre continent.

Source : Courriel à Ecohmag


Les propos tenus dans les tribunes n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs.


A lire également  : Fousseny Traore, fondateur du mouvement Ensemble pour le climat – Bamako

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